Le dérèglement climatique fait chaque année des milliers de morts et des dégâts considérables. En 2023, le monde a connu l’été le plus chaud jamais enregistré. Méga-feux au Canada et en Grèce, typhon en Chine, cyclone au Brésil, inondations meurtrières en Inde et en Libye… à chaque dixième de degré supplémentaire, les cycles naturels se dérèglent un peu plus et déclenchent des catastrophes climatiques toujours plus fréquentes sur tous les continents. 

L’origine de ce dérèglement est incontestable : les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine, dont les énergies fossiles sont responsables dans une proportion écrasante. S’ils admettent aujourd’hui ce constat, les énergéticiens ont trop longtemps semé le doute sur l’origine du réchauffement climatique. Il est prouvé que Total, devenu TotalEnergies, savait dès 1971 que ses activités pouvaient avoir des “conséquences catastrophiques faciles à imaginer” sur l’environnement. Pourtant, le géant pétrolier a tout fait pour maintenir et développer ses activités fossiles en influençant l’opinion et les pouvoirs publics à travers des stratégies de lobbying décrites comme “féroces” pour faire échouer des politiques ambitieuses de diminution de l’utilisation des combustibles fossiles.

Aujourd’hui encore, alors que l’Agence Internationale de l’Energie affirmait en mai 2021 que, pour éviter “un avenir apocalyptique” et respecter l’Accord de Paris, il fallait renoncer immédiatement à tout nouveau projet pétrolier, TotalEnergies est la major pétrolière privée qui a approuvé le plus de nouveaux projets de gaz et de pétrole pour la période 2022 – 2025. L’entreprise s’est par exemple engagée à développer des projets climaticides en Ouganda et en Tanzanie (EACOP), au Qatar, au Suriname (Bloc 58),…

Tous ces projets, qui vont clairement à l’encontre de la demande de l’Agence Internationale de l’Énergie, sont totalement incompatibles avec l’Accord de Paris et nous mènent tout droit vers un réchauffement de plus de +3°C. 

Pour maintenir un réchauffement en dessous de 1,5°C ou 2°C, il faut dès à présent réduire nos émissions carbones d’environ 5 % par an pour atteindre la neutralité carbone en 2050, pourtant, TotalEnergies annonce le 27 septembre 2023 augmenter sa production d’hydrocarbures de 2 % à 3 % par an pendant les 5 prochaines années. Alors qu’aujourd’hui, le réchauffement global est “seulement” de +1,2°C par rapport à l’ère préindustrielle, le nombre d’évènements climatiques extrêmes a déjà triplé en trente ans. Un réchauffement de +3°C ou +3,5°C (“notre scénario” comme l’a dit le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, en 2015) nous conduirait au chaos.

Alors que l’ONU s’inquiète de “l’effondrement climatique” en cours, TotalEnergies ne doit plus continuer à alimenter sciemment, librement et impunément le dérèglement climatique. Il est temps que l’entreprise soit tenue responsable de ses activités. 

Cette plainte est inédite : elle attrait la société TotalEnergies devant le juge pénal pour des faits s’apparentant à un climaticide qui, jusqu’ici, n’avaient été traitées que devant des juridictions civiles. A ce titre, la poursuite pénale pour omission de combattre un sinistre est une nouveauté, rendue possible par les évolutions du droit. 

Elle est particulièrement pertinente puisque TotalEnergies (1) n’a mis en place aucune action permettant de lutter contre le sinistre qui frappe déjà l’ensemble de la population mondiale, (2) a mis en place une stratégie de communication visant à donner l’illusion d’une stratégie environnementale ambitieuse afin de dissimuler l’absence d’actions concrètes et adaptées et (3) a agi délibérément et à plusieurs reprises depuis plus de 30 ans pour pousser les dirigeants politiques à ne pas prendre de mesures en faveur de la protection du climat et de la santé des populations. 

Maîtres William Bourdon et Vincent Brengarthe ont déposé la plainte le vendredi 22 septembre 2023 entre les mains du Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nanterre. 

Alors que la question de la responsabilisation des grandes multinationales ne s’est jamais posée avec autant d’acuité et notamment en matière écologique, William Bourdon et Vincent Brengarthe attendent bien entendu du Parquet de Paris l’ouverture d’une enquête dans les meilleurs délais. 

Ils rappellent le décalage vertigineux existant entre les agissements de TotalEnergies et les engagements éthiques et humanistes qui n’ont cessé ces dernières années de se multiplier. 

Au cœur de cette enquête, la responsabilité d’un des plus grands groupes mondiaux, en connaissance de cause, dans la commission d’atteintes considérables à l’environnement et ce dans une mécanique d’enrichissement. 

Au Pays Bas, la justice a obligé le groupe Shell à diminuer de 45 % ses émissions de CO2 d’ici 2030. Nous espérons que la justice française obligera TotalEnergies à changer radicalement sa stratégie d’investissement pour diminuer drastiquement les investissements fossiles et développer massivement les énergies renouvelables.